Philippe

« Les médecins ont fait un « reboot » de ma moelle osseuse pour éliminer les blastes qui s’étaient infiltrés. »

Photographe de presse, j’ai couvert de nombreux événements télévisés en France et dans le monde entier. Un travail exigeant qui impliquait des déplacements longs et éprouvants, difficilement supportables sans une pratique sportive relativement intense et régulière : football, volley-ball, etc. Je me suis toujours senti en bonne santé jusqu’à ce mois de décembre 2020, date de l’apparition des premiers symptômes de la maladie : perte d’appétit, teint jaune, nausées.  J’ai cru tout d’abord à une simple intoxication alimentaire passagère, mais comme les symptômes s’aggravaient, je suis allé consulter un médecin urgentiste qui a pensé dans un premier temps à un problème au foie. C’est le constat de la chute drastique de mes plaquettes lors d’une prise de sang qui a précipité les événements. J’ai été orienté en urgence vers le service d’hématologie de Fontainebleau où les médecins ont effectué un premier myélogramme qui leur a permis de diagnostiquer une leucémie. À tout juste 53 ans, cette nouvelle a eu un effet dévastateur, j’étais loin de me douter de la gravité de mon état de santé ; dans ma tête, je suis passé d’une personne en très bon état, à une personne en très mauvais état dans la même journée.

Les médecins ont fait un « reboot » de ma moelle osseuse pour éliminer les  blastes qui s’étaient infiltrés

N’ayant pas les infrastructures médicales nécessaires pour me traiter dans leur service à l’Hôpital de Fontainebleau, les médecins m’ont tout de suite orienté vers l’Hôpital Saint-Antoine pour être pris en charge dans une chambre stérile et effectuer un nouveau myélogramme. Rapidement, j’ai reçu les premiers traitements de chimiothérapie pour tenter d’endiguer la progression de la maladie.  Mes antécédents de sportif aguerri ont permis aux médecins de m’administrer des traitements lourds, mon cœur et mes organes en général tenaient parfaitement le coup. Je ne connaissais rien de la leucémie, j’avais peur, mais il fallait avant tout me sauver. J’ai donc confié mon corps « cassé » au médecins, il ne me restait que mon cerveau pour tenir le coup. Cette simple consultation qui ne devait durer que le temps d’une après-midi, m’a tenu éloigné de mon domicile pendant plus d’un mois.

Pendant les séances de chimio je me battais pour ne pas perdre trop de poids, je savais qu’il fallait que je mange. Pour pallier aux mauvaises odeurs des aliments et à l’écœurement des traitements, je me mettais des petits bouts de mouchoir en papier dans le nez une heure avant les repas pour pouvoir m’alimenter. Cette astuce m’a beaucoup aidé.

Après la deuxième semaine de chimio, et avec l’accord des infirmières, je me suis astreint à des séances de vélo d’une demi-heure dans ma chambre : une vraie bouffée d’oxygène ! Je tiens à remercier chaleureusement l’Association Laurette Fugain pour la mise à disposition de ce matériel.  Cette activité sportive toute relative par rapport à celle que j’avais l’habitude d’effectuer avant la maladie, m’a fait beaucoup de bien. Elle permettait notamment de me redonner de l’appétit, de me libérer l’esprit et de sortir de mon lit.  Les choses se sont plutôt bien passées pour moi durant cette période, et à l’issue de ce premier mois de chimio, les médecins m’ont dit que j’étais en rémission.

J’ai vite compris cependant que les soins devraient se poursuivre le mois suivant avec des nouvelles séances de chimio dites de consolidation pour éradiquer la maladie.  Avant de me lancer dans cette nouvelle aventure, je suis donc rentré chez moi à la campagne pour me ressourcer et récupérer mon corps auquel je pouvais à nouveau faire un peu confiance.

Je suis donc retourné à l’hôpital le mois suivant, et malgré les bons résultats obtenus, les médecins ont pris la décision d’aller plus loin en me proposant une greffe de moelle osseuse, seule solution thérapeutique susceptible de me guérir définitivement. Après l’analyse des données biologiques des membres de ma famille (enfants et sœurs), c’est mon fils qui a été choisi, et qui a accepté de me faire don d’un échantillon de sa moelle osseuse.  De son côté, l’équipe médicale avait identifié un donneur compatible à 100 % dans un registre international, plus compatible que mon fils qui lui ne l’était qu’à 50 %. Pour diverses raisons, j’ai convaincu l’équipe d’effectuer l’opération avec lui plutôt qu’avec une personne inconnue, même si j’étais bien conscient que cela rendait le protocole médical plus complexe.

La greffe 

La greffe qui a eu lieu le 11 mai 2021 s’est bien passée, j’étais en confiance avec l’équipe médicale qui m’a informé durant le mois passé à l’hôpital des grandes étapes du protocole de soins.  Après avoir été placé en condition d’aplasie médullaire, l’opération a pu avoir lieu. Je savais que mon fils était allongé dans une salle du service pour donner sa moelle, une opération qui a duré entre 2 h 30 et 3 h.  L’infirmière est ensuite rentrée dans ma chambre avec une poche contenant un liquide jaune qui m’a rappelé la couleur des plaquettes que j’avais reçues au début de la maladie.

J’ai senti les cellules que l’on m’administrait se coller immédiatement sous mes omoplates, une sensation forte que j’ai encore du mal à expliquer.

Deux jours après la greffe, j’ai reçu une nouvelle chimio pour limiter les chances de  survenue de GvH. Une opération réussie, car je n’ai pas eu de complications. Comme lors des premiers traitements de chimio, je me suis astreint à des séances de sport régulières qui m’ont fait beaucoup de bien.  J’ai également reçu la visite de personnes de l’Association Laurette Fugain lors de séances de relaxation et de yoga pour le travail de l’équilibre et le maintien d’une activité musculaire.

Durant cette période, j’ai également eu la chance d’être orienté par une infirmière du service qui m’a convaincu de m’inscrire dans un essai clinique visant à booster le microbiote de patients greffés comme moi. J’ai le sentiment que ces traitements expérimentaux qui ont duré 15 jours, m’ont fait beaucoup de bien, tenant à distance certaines complications intestinales ou autres infections.

Après ce mois passé en chambre stérile,  les visites de contrôle à l’hôpital ont été effectuées toutes les semaines, puis depuis novembre 2022, soit un an après la greffe,  ces visites ont été espacées tous les 6 mois.  Je n’ai pu reprendre mon travail qu’en septembre 2022, car je devais suivre des traitements de chimio pour renforcer la greffe et éviter la survenue de complications.

Aujourd’hui, même si je n’ai repris mon activité qu’à 70 %, je suis heureux d’avoir retrouvé mon corps et de pouvoir lui faire confiance à nouveau.

Merci à la science, aux chercheurs, aux médecins et aux infirmières qui participent à l’organisation de tous ces traitements et soins complexes, et qui me permettent de revivre au présent une vie presque normale comme avant.

Philippe